2 Décembre 2023 – JION, JI’IN, JITTE: Des liaisons dans et entre les KATA

Dans cet article, j’ai envie de développer sur les remarques et consignes que j’ai reçues, et ce qu’elles m’ont inspiré.

En ouverture, Benoit et Roger nous font un petit rappel à propos de “la trilogie JION, JI’IN, JITTE”
C’était très rapide, je me permettrais donc d’apporter plus de détails pour ceux qui en auraient l’intérêt en fin de cet article

Après cette introduction “théorique” et “symbolique”, il est temps de se mettre à bosser!

Benoit DEFIVES, 6ème DAN – travailler les bases de l’enchainement phare du KATA

Le travail en répétition sur trois KIBA DACHI se retrouve dans les 3 KATA
Si on souhaite simplifier le propos

pour JION, cette séquence se fait avec TEISHO UCHI,
Pour JI’IN c’est avec SHUTO UCHI (avec la main en forme TEISHO)
Pour JITTE, c’est avec TETSUI UCHI (avec le bras en forme SOTO UKE)

BenoÎt nous propose un travail d’étude en KIHON sur chacune des trois formes, en utilisant en plus un MAEGERI pour le KIHON issu de JITTE, qui nous oblige à nous concentrer sur la liaison au sol, avec nos appuis sur le talon (bien entendu!!!) et nous forcer à utiliser la bascule des hanches pour retrouver le KIBA DACHI

Le KIBA DACHI est utilisé pour prendre l’avantage face à l’attaquant, et rester “solide” (stabilité, ancrage, puissance développée, avec une sensation très différente de la force brute) tout en cherchant à développer le travail d’ATEMI dans un temps très bref pour prendre la maîtrise de la situation. Pour ceux qui étaient là, le fameux “Pam-Pam” 😀
L’importance de la liaison ici est faite dans le timing d’exécution de l’enchaînement.
plus le temps est court, plus la séquence est efficace.

Avec ce genre de travail, tout le monde trouve son compte. Débutants comme confirmés.

Ainsi, l’approche KIHON, KATA, KUMITE (en liaison) prend un rôle également dans ce système
Le KIHON sert à se contraindre pour corriger le naturel,
Le KATA sert à développer et renforcer les corrections apportées
Le KUMITE fait en sorte que le travail développé redevient naturel, libéré, presque facile: de l’extérieur on ne voit presque plus ce qui a été accompli dans les deux premières étapes et pourtant… On compte en dizaines d’heures dépensées pour en arriver la. C’est un des points clés du KARATE DO.

Roger MENANT, 7ème DAN – KIHON /KATA /KUMITE un travail unifié, des sensations libérées

Roger enchaîne sur un travail qui part du KATA, pour mieux s’en éloigner,
on commence par utiliser une séquence du milieu de JITTE

  • JODAN SHUTO UKE
  • MOROTE JO UKE
  • MOROTE KOKO DORI
  • MOROTE JO DORI
  • SAGI ASHI DACHI

C’est un BUNKAI qu’il nous est donné de découvrir, et on pourrait s’arrêter à ce travail, mais comme d’habitude, le BUNKAI que Roger propose n’est qu’une illustration destinée à nous orienter sur le besoin de développer sa disponibilité pour réagir. Le travail de liaison issu du KATA consiste à rester fidèle à la structure, cette séquence porte en elle plusieurs réponses à des situations différentes.
Et pour bien construire cette réponse, il faut se concentrer sur le MAAI (les réponses sont dans les KATA, et notamment lorsqu’il faut avancer dans l’attaque)
et sur les armes naturelles du corps (ATEMI ou saisies pour casser la structure corporelle de l’adversaire)

Roger nous amène également à remarquer que doucement, on peut glisser de notre trilogie de KATA du jour, vers d’autres comme les TEKKI par exemple…

Encore une fois, les liaisons apparaissent entre tous nos outils…
Et pour jouer un peu, on teste des sensations telles que le même travail avec un seul bras, en fermant un œil, etc…
Quand c’est fait honnêtement, on comprend qu’il y a encore un autre niveau à explorer… Même si nous déjà, nous n’avons plus le temps de développer.

En conclusion

Que ce soit avec Benoît ou avec Roger, on a amorcé un travail sur trois KATA,
Que ce soit avec Benoit ou avec Roger, on a dévié sur un travail KUMITE, en passant par le KIHON.
Ce développement à partir des KATA dont nous avons besoin de maîtriser l’EMBUSEN, pour l’exécuter sans y réfléchir et nous concentrer sur d’autres points, amène toujours un travail extrêmement riche, sans fin;


un travail KARATE DO.
 Merci Benoît, Merci Roger
et merci à tous mes partenaires du jour…

Et mon petit retour sur notre fameuse “trilogie de la boxe chinoise”

Histoire et influences
c’est une chose très connue (au moins à partir du SHODAN!)

JION, JI’IN et JITTE sont issus d’une boxe chinoise

Les trois KATA commencent par le même salut “MING”
Ce mouvement simple, plus important qu’il n’y paraît,  est appelé en chinois BAO QUAN LI (littéralement « le rite de l’enveloppement de la main ») ou parfois BAO QUAN (« la main enveloppée »).
Il y a des informations “mystérieuses” cachées derrière cette “salutation”

A l’entrainement, au dojo,

Le geste, comme dans la vie de tous les jours, est avant tout une marque de respect.
Respect du professeur et de l’enseignement que l’on va recevoir, respect des autres, respect de soi-même.


Pour approfondir le rituel du salut, et son importance dans les arts martiaux et le KARATE en particulier, j’aimerais vous renvoyer à un article rédigé précédemment

http://www.karateneuvilleenferrain.org/NEW_CMS/2020/01/09/reigi-saho-ou-une-facon-de-montrer-son-etat-esprit-karate/

Interprétations
Une première interprétation symbolique vient du geste en lui même : une main arrête un poing.
On peut directement faire le rapprochement avec BUDO et particulièrement aux idéogrammes qui dessinent “BU” « arrêter la lance »
Mais attention, cette interprétation s’appelle la théorie « HOKODOME », et la recherche actuelle porte un consensus pour dire que ce n’est probablement pas le sens original de l’emploi des KANJI,
cette interprétation “HOKODOME” provient d’une lecture assez moderne qui pourrait être fortement biaisée par la morale contemporaine.
Le sens le plus logique, si l’on s’arrête au contexte historique de la création des KANJI, sera plutôt “marcher avec la lance”
ça prend une connotation beaucoup moins pacifique que celle que nous lui donnons aujourd’hui “un vrai pratiquant n’engagera pas le combat avant d’avoir épuisé tous les moyens de calmer la situation”
(sur ce point précis, je ne choisis pas, je note juste qu’il y a un intérêt fort de la recherche académique japonaise sur le sujet)

Une deuxième interprétation, encore plus symbolique et issue du taoïsme fait référence au principe du YIN et du YANG.
La main ouverture est YN, négatif, elle représente, entre autres, la part d’ombre, la lune, la terre, ce qui est caché…
Le poing fermé est YANG, positif elle représente la lumière, le soleil, le ciel, mais également ici le cœur.
L’union de la main est du poing est donc la réunion des dualités : YIN/YANG (IN/YO en japonais), positif/négatif, ombre/lumière, terre/ciel…
Ce geste devient l’expression de l’harmonie et de l’équilibre.

Un peu d’histoire
A l’époque de la dynastie Qing, en Chine, les Ming formèrent une rébellion pour récupérer le pouvoir.
Leur signe de ralliement était alors cette même association main ouverte / poing fermé.
Ce salut permettait alors de montrer rapidement son appartenance à un même groupe, et ainsi aux rebelles de se reconnaître entre eux, mais le gste choisi est en lui même intéressant.
La combinaison des caractères « Soleil » et « Lune » donne le caractère « Clarté », qui se prononce en chinois… “Ming”.
Ainsi, en un seul geste, les rebelles affirmaient leur détermination “Renversons les Qing, restaurons les Ming !” et leurs convictions profondes que leur combat sera pour l’harmonie et l’équilibre des peuples. tout un programme…

JION, JI’IN et JITTE démarrent avec la salutation Ming, c’est un message fort pour ces 3 KATA du SHOTOKAN.
Ils partagent également de nombreuses techniques similaires, à tel point que JI’IN est parfois vu comme un “JION bis”, moins intéressant,
France JKA nous rappelle d’ailleurs qu’il n’est plus étudié dans les DOJO JKA, il faut reconnaître que JI’IN a un statut particulier, rien que par le fait que GICHIN FUNAOSHI ait tenté de le renommer SHOKYO, ça n’a pas marché, nous ne saurons pas pourquoi…

Par extrapolation, ce message nous rappelle que ces KATA sont liés, et le message de Roger et Benoît, ira plus loin en nous rappelant “pourquoi s’arrêter là? Si on travaille correctement nos katas, ils sont tous liés!”

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